jeudi 13 mai 2010

Les politiques sociales en Amérique latine



Les politiques sociales en Amérique latine : laboratoire mondial

Par Alain Lipietz

Le poids de la gauche classique (celle des années 50) est-il resté trop fort pour répondre aux défis du siècle nouveau ? Il est sans doute significatif que ce soit un représentant de la « nouvelle gauche », faisant référence à l’écologie, qui ait eu la possibilité d’affronter l’héritier d’Alvaro Uribe dans le dernier pays resté à droite, la Colombie.

Nous allons ici examiner les nouvelles politiques sociales expérimentées en Amérique Latine, combien elles sont insuffisantes pour transformer durablement la situation des plus démunis et consolider l’hégémonie des forces de la gauche classique (de la démocratie chrétienne progressiste aux communistes), et en même temps qu’elles restent sources d’inspiration pour l’avenir, non seulement en Amérique Latine mais en Europe.

Les pays d’Amérique latine ont en effet connu depuis longtemps une évolution économique et sociale relativement synchrone [1]. À partir des années 1930, les uns après les autres, ils adoptent le modèle dit « CEPALien » de substitutions aux importations. Socialement, ils importent des éléments de ce que, au Nord, on appellera modèle rooseveltien, modèle social-démocrate, économie sociale de marché, oligopole social, modèle fordiste… Ils le feront de manière particulièrement caricaturale : extrême organisation du rapport salarial et des politiques sociales (on parlera de corporatisme), mais réservée en fait à une aristocratie ouvrière.

À partir des années 1970, ce modèle entre en crise et c’est en Amérique latine que s’expérimente, sous des dictatures inspirées par la doctrine des Chicago boys, ce qui deviendra le modèle néolibéral. La résistance populaire à la destruction de la politique sociale prend la forme d’un nouvel associationnisme populaire (Organisations Non Gouvernementales, coopératives sociales, etc). Consacrées par la Banque mondiale, ces initiatives se codifieront en politiques publiques qui inspireront à leur tour le « social-libéralisme » des pays du Nord…

Les forces de gauche revenues au pouvoir récupèrent largement cet « acquis » mais en reviennent, économiquement, au modèle de substitution aux importations. Ce qui les empêche de consolider leur infrastructure sociale : c’est mieux que la réaction sociale des dictatures, mais trop peu, et tout reste réversible. En même temps, le productivisme, inhérent à cette politique économique, les met en porte à faux vis à vis des nouveaux mouvements sociaux, à commencer par les mouvements indigénistes. D’où l’essoufflement rapide de la gauche classique, le risque d’alternance à droite, et l’émergence d’une nouvelle gauche écologiste.

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